Cauchemar ou renaissance ?
Les réflexions de Kokis sur la condition humaine captivent le lecteur — comme toujours — tout au long de ce récit plein de suspense flirtant avec le roman policier.
Un train dévié de la ligne principale en raison d’un éboulement fait un arrêt, sans que l’on sache pourquoi, à la gare désaffectée d’un bled perdu dans la steppe. Adrian descend du train pour acheter du tabac et aller aux toilettes ; quand il en ressort, le train est parti et il est seul sur le quai. Peu à peu il réalise qu’il ne pourra pas repartir et qu’il est captif de ce village isolé, lugubre, misérable, dont les quelques habitants sont bizarres et douteux.
Extrait
« Je me demande ce qu’un train comme le vôtre faisait là, et cela m’inquiète […]. Mais avec les trains, des étrangers peuvent venir troubler notre paix à Voksal.
[…]
Je me suis trompé de place pour un petit moment, mais je sais que c’est passager. Une fois ressorti de ce trou, je serai toujours Adrian Traum, ingénieur dans l’usine de mon beaupère à S., et ce cauchemar aura cessé. Je ne penserai plus jamais aux pauvres culs-terreux de cette bourgade en ruine.
[…]
Une gare, dit le vieux, est un lieu de passage. […] Sauf pour un cheminot comme moi, il ne viendrait à l’esprit de personne d’habiter une gare. Le cheminot lui-même y est de passage, puisque son travail est de voyager et de garder ouvertes les voies pour d’autres voyageurs. Souvenez-vous du batelier qui emmène les âmes des morts dans le fleuve de l’oubli. Le cheminot est une sorte de passeur comme lui, toujours en mouvement pour garder le flux des existences en errance. »