Une lecture rigoureuse et pertinente
Depuis plus de quarante ans, Michel Tremblay édifie une oeuvre imposante dans laquelle il relate, notamment, la destinée d’une famille de la rue Fabre sur trois générations. Or, au coeur de ce roman familial est enfoui le secret plus ou moins bien gardé d’une relation incestueuse. L’étude de Jacques Cardinal permet de montrer les puissances et les limites de l’imagination et du rêve, le vertige qui s’empare du sujet lorsque l’interdit de l’inceste est transgressé, violence première entravant l’arrimage du sujet à la loi. Ainsi déchiffre-t-on chez Tremblay non pas tant un éloge de la rêverie, du simulacre ou du masque qu’une quête de la parole authentique ; non seulement une célébration du maternel, mais une mise en scène profanatrice de la mère et de son pouvoir. De là se trouve convoqué un certain discours religieux — en particulier catholique — en tant qu’il soutient la quête des apparences, de l’imitation, du mensonge, du secret et du refoulement. L’oeuvre de Michel Tremblay apparaît bien à cet égard comme un art du mentir-vrai, une méditation sur la fiction dont l’artifice ne s’oppose pas à la recherche d’une vérité enfin dévoilée.